Le fait religieux et le Droit

Comment est l'état du droit par rapport au fait religieux ? Comment a t-il évolué ? Quelles sont les interférences du droit avec le fait religieux.

L'évolution du droit et du fait religieux

Depuis la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, la laïcisation est de fait dans l'ensemble des textes législatifs. En effet, le préambule de la Constitution institue la laïcisation comme donnée fondamentale. Mais cela est relatif. L'apparition de lois en 2001 (loi n°2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales) et en 2004 (loi n°2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics) permet d'affirmer que le fait religieux interagit avec le droit. Il est tant omniprésent sur la scène juridique que dans la vie politique. Par exemple, peut-on affirmer, sans détour, que le mariage doit être lié à une cérémonie religieuse ? Comment le droit appréhende-t-il le fait religieux dans un système laïc ? Comment le droit français, par exemple, traite-t-il les convictions, les pratiques, ou encore les communautés ou mouvements religieux ? Mal sans doute, si l’on en juge par les réactions du corps social. Il n’est qu’à rappeler les immenses manifestations de 1984 contre le projet d’unification de l’éducation nationale et celles de 1994 contre l’augmentation des aides de la collectivité publique à l’enseignement privé, l’affaire du foulard islamique, les commentaires suscités par les décisions de justice reconnaissant la scientologie comme une religion, les polémiques plus anecdotiques soulevées par la seule déclaration d’un préfet invoquant sa foi religieuse à l’appui de sa décision d’interdire la production du groupe de rap NTM dans son département, ou encore, les réactions à l’annonce du redressement fiscal des témoins de Jéhovah ou du rejet de la demande d’adoption formée par deux de leurs adeptes… Après un demi-siècle d’accalmie, si l’on excepte la question de l’enseignement public qui n’a cessé d’agiter les esprits, la laïcité semble en crise et avec elle l’appréhension du fait religieux par le droit. Le traitement juridique du fait religieux est devenu source de désordre, à moins peut-être que ce ne soit le désordre religieux, de plus en plus marqué, qui soit source de désordre juridique…
C’est que le fait lui-même a singulièrement évolué. « La France du début du siècle était la « France seule », nationaliste ou en tout cas patriote, [ … ], chrétienne et même catholique, avec de faibles minorités protestante et juive et une forte minorité de personnes sans religion, souvent rationalistes, positivistes, assez souvent anticléricales [ … ]. Étant enfin une France « blanche » : L’immigration existait mais elle était presque exclusivement européenne et d’ailleurs chrétienne elle aussi. En caricaturant, on peut dire qu’il n y avait que deux camps : L'Église et la République ». La France de l’an 2000 n’est plus seule mais enserrée dans une Europe à laquelle elle a abandonné une part de sa souveraineté. Elle connaît une immigration différente qui a favorisé le développement de religions peu connues sur son territoire, comme l’islam, devenu la deuxième religion des français après le catholicisme. De plus, si les doctrines marxistes et le matérialisme scientifique ont reculé, une certaine sensibilité aux forces de l’irrationnel a progressé, expliquant peut-être, en partie, la multiplication des sectes, … Parallèlement à cette évolution, la laïcité – l’idée même de laïcité – semble en crise. L’idée laïque, on le sait, est d’abord une idée politique – née avec Hobbes et Locke dans l’Angleterre du XVII ème siècle – qui affranchit l'État de toute justification transcendantale : la communauté politique laïque se conçoit comme un système autonome qui trouve en lui-même son sens, son origine, sa finalité. Elle implique donc une séparation de la société civile et de la société religieuse, l'État n’exerçant aucun pouvoir religieux et les Églises aucun pouvoir politique. Mais la laïcité renferme aussi « une conception philosophique de l’indépendance et de la capacité de la raison humaine ». Elle réclame l’affranchissement de chaque homme de toute tutelle idéologique. Elle implique l’abandon par l'État du domaine des croyances aux consciences individuelles. Cela posé, on est loin d’avoir épuisé la complexité de l’idée. La laïcité est plurielle, elle peut-être une laïcité formelle qui se borne à offrir un cadre de coexistence à tous les systèmes de croyance, elle peut être une laïcité idéologique, religion d'État, de la Nation, de la Raison … Autrefois, laïcité de combat ? Aujourd’hui, laïcité neutralité ? Demain, laïcité coopération ? À cette indétermination du concept, répond l’imprécision du droit.
Les deux textes qui fondent la laïcité française sont passablement ambigus. La loi du 9 décembre 1905 précise en son article premier : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public », tout en posant à l’article 2 le principe de séparation de l'Église et de l'État ainsi énoncé : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte… » , ainsi la République garantit-elle sans reconnaître…L’ambiguïté naît aussi des termes de la Constitution de 1958 et plus précisément du verbe respecter tel qu’il est employé à l’article 2 – « La République respecte toutes les croyances » - , car le verbe est équivoque : respecter, ce peut être ne pas troubler, s’abstenir, en toute neutralité… mais ce peut être aussi avoir de la considération pour, voire même honorer…comme on respecte ses parents… Alors, ignorance ou garantie ? Indifférence ou considération ? Quelle est la nature des relations entre le droit français et le fait religieux ? La doctrine et la jurisprudence, s’appuyant notamment sur les débats parlementaires de la Constitution de 1946, ont privilégié le premier sens du verbe respecter : la laïcité ne serait qu’un aspect d’un principe plus général de neutralité de l'État vis-à-vis de toutes les options spirituelles. Cette neutralité supposerait le traitement indifférencié par le droit de toutes les croyances et donc le traitement indifférencié de tous les cultes.

  1. Le droit et le fait religieux, deux notions indissociables

A. La reconnaissance dans un autre ordre normatif
B. La soumission à un système normatif préexistant

  1. La laïcité menacée

A. Laïcisation, fer-de-lance de l'état de droit
B. Une notion en perte de vitesse

Droit / Religion (plan de Benjamin Tulasne)

  1. Une scission manifeste (en théorie)

A. La loi du 9/12/1905

fin ? Ou commencement ?

B. Le principe de laïcité en droit français

à l'école, dans l'administration

  1. Une distinction ambiguë (en pratique)

A. En droit international (droit musulman, droit hindouiste, ...)

B. Dans la jurisprudence française (arrêts rendus par la Cour de Cassation et par le CE)

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