Interactions entre laïcité, fait religieux et travail social (suite)

En conclusion, il me semble important que le travailleur social puisse entendre et prendre en considération la question religieuse à l’intérieur même de son travail. En effet si ce travail est vraiment social, il permet les rencontres, favorise les communications, et suscite la reconnaissance mutuelle. L’objectif du travailleur social n’est pas de faire en sorte que son interlocuteur se détache de la religion, même s’il enseigne la laïcité, il consiste à l’aider à se situer consciemment et si possible librement vis-à-vis de sa propre religion, en réalisant qu’il existe d’autres voies, d’autres chemins qui sont eux aussi respectables pour gérer les questions fondamentales de l’existence. 

Il s’agit, en effet, de ne pas être prisonnier de sa naissance ou de sa famille, mais de les prendre en compte et de les assumer. Un travail de médiation devient nécessaire et urgent pour favoriser les échanges culturels entre communautés religieuses et société laïque. Situer la religion respectivement aux autres univers de connaissance est un immense service à rendre à l’ensemble des citoyens quelles que soient leur communauté d’appartenance, leur croyance ou leur non-croyance. Il s’agit en effet de découvrir, comprendre et respecter une dimension de notre commune humanité et de lui donner sa place dans notre culture commune.
L’instauration d’un libre débat conforme aux exigences de la laïcité devrait permettre de faire le tri entre les inspirations spirituelles authentiques des religions et leurs dérives sectaires et fanatiques. Il pourrait faire tomber l’arbre de l’intégrisme qui cache la forêt des religions.
Le passage de l’anathème au dialogue demeure une entreprise difficile mais plus que jamais indispensable aujourd’hui pour réussir l’intégration républicaine et la cohésion de la communauté nationale. Car même si les communautés religieuses et la société laïque
peuvent apparaître encore opposées, il importe, comme l’a suggéré Edgar Morin dans un autre contexte, « d’avancer l’idée dialogique, qui accepte que deux instances non réductibles l’une à l’autre et contradictoires entre elles soient liées ensemble. »6

1 Cette conférence reprend plusieurs paragraphes de l’article du conférencier (Descouleurs B., Avril-Juin 2005, « La place problématique de la religion en régime de laïcité » in La Pensée, pp. 107-118

2 Allocution de Jean-Pierre Chevènement à Strasbourg le 23 novembre 1997 aux représentants des divers cultes venus assister à l’ordination épiscopale de Mgr Joseph Doré, nouvel archevêque de Strasbourg (Documentation Catholique, 4 janvier 1998).
3 Schnapper D., Février 2004, « La République face aux communautarismes » in Études, p. 179.
4 Rapport au Président de la République, (remis le) 11 décembre 2003, Commission de réflexion sur l’application du principe de laïcité dans la République.
5 Septembre-Octobre 2003, Le Monde des Religions, n° 1, pp. 12-15 (notamment).
6 Morin E., 1999, Relier les connaissances, Paris, Le Seuil, p.457
 

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