Aménagement du territoire et développement économique, l'exemple des pôles de compétitivité

Initiés par le gouvernement français, les pôles de compétitivité sont des regroupements, sur une zone géographique définie, d'industriels, d'universitaires et d'établissements de recherche publique. Ces pôles de compétitivité ont une histoire ancienne. En effet, on peut parler de pôles de compétitivité avec la naissance de technopôles en France dans les années 1970. La France suit alors l'exemple nippon et dans une moindre mesure l'exemple américain pour donner lieu à des créations ex-nihilo et désengorger le centre parisien concentrant les institutions universitaires d'envergure nationale à mondiale et énormément d'entreprises françaises du secteur secondaire (décentralisation industrielle). La notion de technopôle est renforcée par l'émergence d'une politique propre aux pôles de compétitivité lors du Comité Interministériel d'Aménagement et de Développement du Territoire (CIADT) du 13 décembre 2002. Cette politique ; lancée par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, en 2004 (CIADT du 14/09/2004) ; s'appuie sur des appels à projets. La création de pôles de compétitivité vise à dynamiser l'économie française souffrant d'un double retard par rapport aux autres grands pays européens. Le manque de recherche et de développement industriel (R&Di) est un point important dans la création de ces pôles de compétitivité. Les entreprises privées en France représentent une part plus faible que dans les autres pays concurrents. Certaines industries spécialisées ont une part de recherche faible, voire quasi inexistante. En outre, la visibilité des NTIC (Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication) est insuffisante ; et le tissu des PME (petites et moyennes entreprises) est dense, tout comme celui des TPE (très petites entreprises ; dont le nombre de salariés varie de 20 à 200). Il demeure le fait que les PME, en France, ne disposent pas de véritables fonds propres pour se développer. Cette ventilation géographique des entreprises et leur densité importante marquent le premier retard de la France dans la compétition économique mondiale. D'autre part, il est constaté, de manière générale, une mauvaise coordination entre les acteurs privés et publics, car ceux-ci n'arrivent pas s'entendre et adoptent des types de dialogues différents pouvant être contradictoires (ingénieurs/universitaires). Pour lutter contre cela, la politique des pôles de compétitivité s'appuie sur deux notions : l'innovation et la recherche. Ainsi, en 2005, le président de la République (J. Chirac) déclare que "nous sommes aujourd'hui à un moment décisif. Toutes les conditions sont réunies pour que la France passe résolument à l'offensive. Nous allons conquérir de nouvelles positions et nous placer aux avant-postes de l'innovation industrielle et de la recherche". De ce fait, il est nécessaire pour l'économie française et sa politique de R&Di de passer par un stade de captation innovante en se calquant sur des entreprises d'envergure mondiale (Thalès, Dassault, Danone, etc ...) et, par cela même, sur le modèle américain. Les pôles de compétitivité connaissent ainsi une organisation, un fonctionnement qui leur est particulière. Ceci se double d'une définition territoriale des pôles.

I. Définition territoriale de la politique des pôles de compétitivité

Actuellement, la politique des pôles de compétitivité se trouve à la frontière technologique, voire technique. Des pays comme la Chine ou la Corée du Sud ont adopté une phase dirigiste pour amplifier leur politique d'innovation à l'échelle mondiale. Néanmoins, cette frontière technologique commence à s'estomper grâce à une approche territoriale afin d'organiser les pôles de compétitivité aux échelles locales. Il demeure toutefois des problèmes complexes posés par la politique des pôles de compétitivité.

A. Des difficultés inhérentes aux pôles de compétitivité

La fracture technologique (numérique ; disparité d'accès aux technologies informatiques, notamment Internet) est en lien direct avec la proximité de zones économiques avec les frontières du territoire français. La frontière technologique est plus faible et il s'en suit, de manière plus ou moins nette, une inadaption face au dirigisme étatique. Le marché innovant se trouve être diffus en ces zones. Pour répondre à ce problème, l'Etat va subventionner la recherche de manière générale en passant par un crédit impôt (CIR pérennisé et amélioré par la loi de finances de 2004).

Il est nécessaire de labelliser les pôles de compétivité avec un triptyque fonctionnel (acteurs économiques, de la recherche et du développement) pour permettre l'innovation sur le long terme. Le secteur de la R&Di est donc semi-dirigé. Les différents acteurs en présence se doivent de dresser des plans de recherche et de développement pour permettre de mieux organiser les instituts de formations, les instituts de recherche et les groupes de gestion et de fonctionnement économique. En outre, s'ajoute un autre type de problème à la construction de pôles de compétitivité.

Les acteurs ont encore des difficultés à collaborer et à former des groupes de travail, de réflexion. Bien que les pôles de compétitivité facilitent le décloisonnement du dialogue entre les acteurs. Néanmoins, il demeure une incapacité pour certains acteurs à travailler ensemble, étant donné que leurs objectifs restent différents. Ceci réside dans une non-connaissance du champ des possibles concernant le développement économique local. De plus, la multiplication des pôles de compétitivité corrélée à un constat territorial négatif du développement économique pose problème. On a, à ce jour, 71 pôles de compétitivité en fonctionnement (65 antérieurement) (cf. carte des pôles de compétitivité en 2011). La trame générale des pôles est éparpillée et rend le marché dans des secteurs précis opaque (notamment pour les pôles de compétitivité nationaux où l'on dénombre une grande quantité de pôles tournés vers les transports). Cette augmentation progressive du nombre pourrait amortir l'effet recherché : démarquer la France comme puissance économique créant de la concurrence dans des secteurs privilégiés par ses homologues internationaux. De plus, l'habilitation conférée par l'Etat aux pôles va susciter la concurrence entre les politiques sectorielle et territoriale ; ceci pour éviter les tensions qui se créent avec la compétition de pôles entre eux. En 2005, par exemple, il y a eu 105 candidatures de pôles relevant de l'appel à projets. 67 pôles ont été retenus par la suite amplifiant le nombre de pôles antérieurement fixé législativement (et donnant lieu à une rectification de la loi de finances de 2005). Des débats ont été lancés opposant la concentration des pôles de compétitivité et une équité territoriale de l'innovation. Ceci s'est justifié par des problèmes d'approches territoriales.

B. L'approche territoriale au centre de la politique des pôles de compétitivité

L'approche territoriale impulsée par les pouvoirs publics locaux et nationaux passe par le besoin de donner des potentiels économiques pour mieux se développer en matière d'innovation. Aussi, les activités sont plus concentrées pour parfaire l'unité des dépenses de recherche. Cinq régions (avec 40% de la population française) disposent de 70% des financements publics pour la recherche (dont Île-de-France, Rhônes-Alpes, Provence Alpes Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon). Les implantations des entreprises demeurent faibles et on constate à petite échelle une forte concentration des instituts de recherche selon des domaines spécialisés. L'approche territoriale vise à concentrer les pôles de recherche pour permettre une impulsion économique et une véritable innovation scientifique. Par une ventilation de grande importance, la R&Di s'amoindrit. Avec la construction de grands centres de R&D(i), des échanges peuvent se mettre en place et devenir de plus en plus importants sur le long terme. Par cela même, un cluster pourra réellement fonctionner avec une mise en réseau entre les acteurs mondiaux grâce à l'internationalisation des échanges scientifiques, mais aussi de capitaux. La polarisation scientifique est donc essentielle, et est potentiellement reproductible dans divers pays à l'international.

Aussi, l'installation des pôles de compétitivité repose sur la potentialité en matière d'innovation spécialisée et en nombre de main d'oeuvre disponible. Ces deux facteurs de l'orientation gouvernementale (en matière de dynamisme territorial) sont aux fondements de l'appel à projet de 2004 pour favoriser la genèse de "champions nationaux" ; fixé par la politique industrielle dont un des objectifs et moyens d'actions est de favoriser la création et le développement de nouvelles filières par le biais de pôles de compétitivité d'envergure nationale à internationale ; s'appuyant ainsi sur un interventionisme étatique en matière d'économie nationale selon la théorie de la concurrence (destruction créatrice) de Joseph Schumpeter. Ces champions nationaux sont des entreprises choisies par l'Etat pour devenir les producteurs ou prestataires dominant sur des marchés nationaux types et entraver les concurrents étrangers sur ces marchés (GDF-Suez, Renault ou bien PSA Peugeot Citroën). Les pôles créés vont être ainsi organisés selon une équipe d'animation (moins de vingt personnes) et dépendant d'un fond public ministériel (20 millions en moyenne). L'Etat va définir la zone de R&D(i) en gardant pour objectif principal de formaliser le discours. Ainsi, entre 2007 et 2008, les pôles de compétivité ont vu leurs labels de compétences renouvellés. Entre 2008 et 2012, le dialogue entre les différents acteurs s'est ouvert et les directives ou décisions sont maintenant appliquées de manière directe. En outre, l'invervention de l'Etat demeure assez stable et le financement s'élève actuellement à 100 millions d'euros. Toutefois, le fonctionnement de ces pôles varie à l'échelle locale et nationale.



Carte des 71 pôles de compétitivité français
(mise à jour en juillet 2011 ; par le Ministère de l'Economie, de l'Industrie & de l'Emploi)

II. Fonctionnement des pôles de compétitivité

Les pôles de compétitivité participent au dynamisme du marché de l'emploi. Ils sont des aires vitales pour l'économie nationale afin de positionner sur le marché extérieur, car ils disposent d'une véritable capacité économique. Le poids des pôles dépend d'enjeux locaux, et non européens. Ainsi, par exemple, Aerospace Valley est un pôle de compétitivité dépendant de facteurs internes à la région Midi-Pyrénées et donc soumis à des tensions géoéconomiques et géopolitiques.

A. Politique nationale et pôles de compétitivité

Les pôles de compétitivité sont une forme de relations inter-organisationnelles, et tout d'abord des systèmes de coopérations inter-ministérielles. Ces pôles naissent par directives gouvernementales prises par huit ministères en général (Ministère de l'Economie, de l'Industrie et des Finances ; MESR ; Ministère de l'Ecologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement ; Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé ; Ministère de l'Intérieur ; etc ...). Ces huits ministères tentent s'organiser au niveau national et sont à la base des subventions versées par l'Etat aux pôles de compétitivité relativement aux projets de recherche.
Par exemple, Soitec ; acteur économique du pôle de compétitivité mondial Minalogic, structure basée dans la région Grenoble / Rhônes-Alpes ; bénéficie de 135 millions d'euros (subventions étatiques) pour le développement des huits projets que cette entreprise a initié. Les projets de Soitec visent, notamment, à développer une nouvelle génération de matériaux pour les LED et des technologies d’intégration de puces en 3D. Minalogic, par le biais d'une grande entreprise, se positionne internationalement sur le marché de la concurrence mondiale et voit ses projets d'innovations confortés par l'Etat. Ces subventions versées font l'objet d'un suivi financier et économique par les services de coopération interministérielle. Le Ministère de l'Economie et des finances publiques sert de contrôleur général grâce au travail effectué par ses différents services. En outre, ces ministères bénéficient de services spécialisés déconcentrés comme les services propres au développement économique sous la tutelle du préfet de région ou bien de manière générale des services de surveillance (délégation régionale à la Recherche et à la Technologie (région Languedoc-Roussillon) par exemple). Toutefois, l'Etat doit trouver un intérêt pour la création d'un pôle de compétitivité, bien avant le vote de la loi de finances par le Parlement et l'implantation de services spécialisés au niveau régional. Ainsi, le projet de création d'un pôle doit être soutenu, en amont, par les Chambres de Commerce et d'industrie (CCi) et par les collectivités territoriales (région principalement). Ces différents acteurs, s'ils soutiennent un projet, ont aussi des attentes. Il est nécessaire qu'un pôle est un rendement sur le long terme et participe au développement régional ; pour éviter qu'un pôle s'effondre. Le nombre de ces acteurs, tant publics que privés, varie pour le financement d'un pôle. Ainsi, il est au minimum de deux et peut s'élever à une centaine. Ce nombre est lié à la taille dudit pôle et de celles des entreprises ayant la capacité de s'implanter dans une zone géographique précise. Aussi, il existe un "millefeuille" des compétences entre les acteurs et les secteurs industriels en lien avec les pôles de compétitivité, avec un rapport de force entre l'Etat et les collectivités territoriales. Cependant, la région occupe une place importante dans la consécration de projets visant à l'apparition de pôles de compétitivité.

B. Un exemple de pôle de compétitivité : Aerospace Valley

Ce pôle a été initié et subventionné pour un tiers par la région Aquitaine et pour deux tiers par la région Midi-Pyrénées. Il est créé le 13 juillet 2005 et demeure un cas d'exception dans le paysage français. En effet, le dynamisme de ce pôle est dû à la présence d'acteurs économiques puissants installés depuis longtemps dans la région Midi-Pyrénnées ; et principalement à Toulouse, comme Dassault Aviation ; s'agissant des systèmes de simulation pour la gestion et la sécurité aérienne (Dassault Systèmes Simulia – SAS) ou EADS (European Aeronautic Defence and Space company). La structure Aerospace Valley vise l'émergence de véritables R&D(i) et celle-ci s’est donc organisée en neuf Domaines d’Activités Stratégiques (DAS) (Équipements, Motorisation, Propulsion, Énergie et Accès à l’Espace (EMPE & AE) ; Ingénierie Générale et Productique Collaborative (IGPC) ; Systèmes Embarqués (SE) ; Maintenance, Services et Entraînement (MSE) ; Aéromécanique, Matériaux et Structures (AMS) ; Terre Vivante et Espace (TVE) ; Systèmes Autonomes Aéronautiques et Spatiaux (SA) ; Sécurité et Sûreté du Transport Aérien (SSTA) ; Navigation, Positionnement, Télécommunications (NPT)).

Le pôle Aerospace Valley compte 567 membres adhérents, dont quinze font partis de l'équipe permanente qui ont la charge de sept domaines techniques et technologiques. Cette équipe permanente est à la base de la coordination entre les différents acteurs composant le pôle, permet de faire naître des idées ayant pour but l'innovation techno-industrielle et de les appliquer, les accomplir ensemble. Pour parfaire ces objectifs, l'équipe permanente d'AeroSpace Valley se charge du montage d'un cahier des charges afin de prévoir sur le long terme le développement des techniques dans le domaine de l’aéronautique, de l’espace et des systèmes embarqués. Ainsi, ce pôle dispose de un tiers des effectifs aéronautiques français, plus de 50% dans le domaine spatial, de 8 500 chercheurs et deux des trois Grandes Ecoles françaises aéronautiques et spatiales. En outre, l'équipe permanente aident les PME à monter leur dossier afin d'adhérer au pôle. Cependant, cette coopération reste de l'ordre facultatif ; et l'équipe permanent va chercher, en général, à mutualiser les coûts et certaines dépenses. Aussi, elle accomplit plus un travail de veille pour les PME (marketing et communication). On peut parler de "coopération vitrine". D'autres actions sont dédiées aux PME pour le développement au sein de la structure. S'agissant d'Aerospace Valley, un membre de l'équipe permanente est délégué à la coopération et au management du pôle. Des actions de l'équipe visent l'international pour permettre la compétitivité globale. L'ensemble des actions entreprises par l'équipe permanente pose problème du fait de la persistance des difficultés de mettre en concordance chaque acteur : acteurs des PME, startups et acteurs économiques du premier degré (comme les commerciaux). Bien que l'Etat est lancé sa politique du "Grand Emprunt" pour concentrer les activités, il demeure des disparités socio-économiques et spatiales.
L'enjeu de demain est d'éviter de se calquer sur un tissu économique local pour développer une aire géographique potentiellement forte sur le long terme. Ce n'est pas (forcément) en concentrant des activités que l'on rassemble les acteurs. Il reste difficile de mutualiser les actions économiques et les formations sur une zone géographique définie. En théorie, les mesures concrètes en matière de développement économique et de concentration (polaire) prennent une à deux années pour s'appliquer. De plus, certains marchés (secteur du transport, des biotechnologies) sur lesquels reposent plusieurs pôles pourraient rapidement être saturés du fait de l'intensification du tissu économique et de la perte de concentration des pôles. Ce constat est à nuancer, car les pôles sont d'importants créateurs d'emplois et s'inscrivent dans une logique concurrentielle posée par le marché. En outre, les pôles de compétitivité répondent à une volonté politique et à une prise de conscience de la part des acteurs économiques. En effet, ceux-ci ne peuvent rester indépendant face à des échanges internationaux de plus en plus intenses. Mais, il demeure le fait que les pôles sont considérés comme une réponse contre la mondialisation et que beaucoup d'espoirs sont fondés sur cette idée. Le "millefeuille" politico-administratif, mais aussi économique rend difficile les rapports entre les acteurs publics-privés et ralentit les prises de décisions en matière de R&D(i). Ainsi, une modernisation des infrastructures doit être accomplie pour vaincre les rigidités existantes.



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