Le renouvellement partiel du Sénat : analyse & conséquences

Avant l'introduction de la loi organique n°2003-696 du 30 juillet 2003, les sénateurs sont élus pour neuf ans. La Chambre Haute du Parlement se renouvelle alors par tiers tous les trois ans. Consécutivement à la "réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat", et la loi n°2003-697 du 30 juillet 2003 dite loi de "réforme de l'élection des sénateurs", les sénateurs sont élus pour six ans. Le Sénat se renouvelle par moitié tous les trois ans. La loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 a donc par cela même réduit la durée du mandat des sénateurs. En outre, elle a totalement modifié la composition du Sénat afin de mieux représenter la réalité démographique et les collectivités territoriales. Ainsi, le renouvellement partiel a une influence directe sur la manière dont l'Etat interagit avec les citoyens nationaux, mais aussi, plus précisément, avec ses contribuables. Il est utile de noter que depuis le renouvellement partiel du 25 septembre 2011, l'assemblée sénatoriale est principalement composée de membres issus de divers partis de gauche (PCF, PG, PS, MRC ou bien EELV).

Paul-Armand Challemel-Lacour analyse en 1894 les dernières élections sénatoriales comme "le symbole d'une républicanisation renforcée du régime [parlementaire]". Pour cet homme d'état, "chaque renouvellement triennal fournit [à la Haute assemblée] l'opportunité de montrer son ancrage républicain". Nonobstant cet ancrage, il est essentiel de comprendre que le renouvellement est à l'origine du dégagement d'une majorité partisane. Chaque élection sénatoriale est un enjeu tant républicain que politique. Selon les présidents du Sénat, cette chambre institutionnelle ne demeure pas une assemblée aristocratique, mais est bien une institution républicaine. L'expression de Gaston Monnerville sur la Haute Assemblée l'illustre bien. Le "Sénat de la République" souligne combien l'existence du Sénat est indissociable du régime républicain dont il se veut le garant. C'est par cela même que Jean-Pierre Bel, dernier président du Sénat en date, insiste sur la volonté de "changer l'image, souvent caricaturée [certes], de notre assemblée [le Sénat]". Il ajoute que le Sénat se doit d'aller vers "plus de transparence et de modestie". Enfin, il entend "confirmer [la Haute Assemblée] dans son rôle de représentant et de défenseur des libertés publiques, individuelles et locales". Bien que le nouveau président du Sénat, élu au 1 octobre 2011, ne cesse d'appuyer sur le fait que le président d'une telle institution ne doit pas être soumis à l'influence politique de tel ou tel parti, il persiste l'idée que volonté partisane et institution politique sont intrinsèquement liées. Si stabilité politique il y a, elle existe en raison du renouvellement partiel du corps sénatorial. Ce type d'élection permet d'éviter au pays une agitation électorale sur le territoire national, mais aussi et surtout modère les excès de toute consultation. Ainsi, bien avant la réforme de 2003, Jean-Marcel Jeanneney déclare, en 1939, que le Sénat est "un véritable corps vivant fait pour la durée ; qui regénère ou renouvelle ses cellules de trois ans en trois ans. [...] Le renouvellement partiel des assemblées vaut incontestablement comme amortissement". De plus, le renouvellement partiel du Sénat est en prise directe avec l'actualité et ne crée par de rupture avec le passé. De grands courants politiques émergent, mais ne mettent pas à mal l'organisation interne de la Haute Assemblée. Le renouvellement provoque, en quelque sorte un mouvement de "stratification" des conceptions politiques ayant vigueur au moment dudit renouvellement. Par exemple, si l'on prend, par exemple, l'ensemble des renouvellements antérieurs au 25 septembre 2011, on constate que les conceptions politiques influentes au sein de l'assemblée sénatoriale n'ont guère été bouleversé sur le fond. Bien entendu, l'extension de ces dites conceptions politiques dues à un seul et même parti majoritaire n'ont guère terni l'image du Sénat. Des réformes ont été plus ou moins accepté par des partis contraires, mais ceci n'a pas affecté la capacité de renouvellement et de modernisation de ladite assemblée. Néanmoins, le Sénat se voit souvent reprocher de ne pas posséder, en raison principalement du renouvellement partiel, une physionomie en phase avec la volonté populaire exprimée lors des élections à la Chambre basse (Assemblée Nationale).

Cependant, une telle problématique est de moins perceptible actuellement, notamment lorsqu'on observe la progression du vote pour les partis de gauche en 2008 aux élections municipales, puis de la "vague socialiste" aux cantonales (2008 et 2011 renouvellé) et enfin de l'explosion du vote socialiste aux élections régionales en 2010. Le démarquage du vote à gauche est principalement à l'origine de l'accession du parti socialiste au pouvoir et ceci au sein de la Haute assemblée. Les renouvellements partiels de la Vème République depuis 2003 ont pour but d'installer une majorité partisance au Sénat. Il se doit d'être la résultante de l'évolution du vote citoyen au cours des différents types d'élections et ceci de plus grande à plus petite échelle. Tous les votes exprimés doivent être concordants et doivent permettre d'aligner les conceptions politiques tant au niveau local qu'au niveau national. Ainsi, on peut soustendre à dire que le Sénat à gauche est due principalement aux votes des élus ruraux. Le parti socialiste et ses alliés doivent donc leur victoire aux sièges gagnés dans les départements votant au scrutin majoritaire. Avant le dimanche 25 septembre 2011, le Sénat compte 343 sièges, dont 165 à renouveller. L'union politique de la gauche possède 152 sièges, dont 72 sont renouvelables. La droite (DVD, UMP, Centre Droit et autres) a 162 sièges avec 72 sièges à renouveller. Le Centre possède 19 sièges renouvelables pour 29 sièges. Il demeure 2 sièges vacants. Après le renouvellement partiel du 25 septembre 2011, le Sénat compte 177 sièges à gauche. La Gauche possède la majorité absolue des sièges électoraux plus deux. En effet, après le dernier renouvellement, la seconde chambre possède en total 348 sièges toute sensibilités politiques confondues. Les victoires successives de la Gauche dans les élections locales devaient bien finir par se répercuter au Sénat, même si le poids excessif des petites communes a retardé cette échéance, comme l'explique Guy Carcassonne dans le Monde daté du 27 septembre 2011. Ce dernier note aussi que les luttes intestines de la Droite ont accéléré l'accession de la Gauche à la tête du Sénat. Par cela même, le renouvellement partiel du Sénat est dépendant de deux facteurs : la volonté institutionnelle d'accentuer le rôle de la Haute Assemblée, mais aussi le poids politique de partis étant en relation par une mise en jeu des pouvoirs publics.

Ce renouvellement partiel a donc de ce fait deux types de conséquences directes. Du point de vue institutionnel, le Sénat connait des changements. La réforme de 2003 (complétée par celle de 2007) a prévu un accroissement graduel de l’effectif sénatorial. Avant cette réforme, le nombre de sénateurs est de 321. Avec le renouvellement de 2004, le nombre de sièges passe à 331 (augmentant ainsi de 10 sièges soit une augmentation d'environ 103%). Puis, en 2008 et en 2011, l'assemblée augmente respectivement de douze, puis de cinq sièges (343 sièges et 348 sièges). Cet accroissement progressif est lié à une volonté politique de mieux représenter democratiquement le peuple français et les élus locaux. Elle répond donc à une demande institutionnelle de représentation démographique et de correspondre aux évolutions de la ventilation territoriale de la population française. Qui plus est, le renouvellement partiel du Sénat a une incidence dans la composition de la Cour de justice de la République. Cette dernière est une institution visant à juger les membres du Gouvernement pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ceux-ci sont commis. Prévue par les articles 68-1 et 68-2 de la Constitution et régie par la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993, elle est composée de juges parlementaires et de juges magistrats. Après chaque renouvellement partiel, les sénateurs juges parlementaires à la Cour de justice de la République sont élus au scrutin majoritaire. Ces élections permettent d'éviter de créer des conflits politiques et de renouveller cette assemblée de juges. Le renouvellement partiel a aussi pour conséquence directe de reconstituer tous les trois ans le Bureau du Sénat, c'est-à-dire l'organe directeur de la Haute Assemblée. Ce dernier est composé de vingt-six sénateurs : le président, les huit vice-présidents, les trois questeurs et quatorze secrétaires. Tous les groupes politiques y sont obligatoirement représentés. Son rôle et son mode de désignation sont régis par les articles 2 et 3 du règlement de la Chambre haute. Le renouvellement du bureau du Sénat est concomitant à celui du Sénat, il est directement lié à une représentation à la proportionnelle. Ipso facto, le Bureau du Sénat se compose selon la sensibilité politique la plus fortement établie au sein de l'hémicycle du Palais du Luxembourg.

Néanmoins, du point de vue politique, le renouvellement partiel du Sénat, par tiers tous les trois ans jusqu'en 2003, et par moitié tous les trois ans désormais, amortit fortement les évolutions politiques nationales. Outre cela, l'alternance à gauche de la Haute Chambre a pris du temps à se faire et n'est que principalement la résultante de l'engagement d'élus locaux de gauche aux Sénatoriales. Bien qu'aucune évolution politique nationale n'ait été notable dans l'organisation partisane du Sénat depuis le début de la Vème République (1958), il est à noter que la gauche sous F. Mitterrand n'a jamais été empêchée de gouverner par le Sénat de droite. On peut donc penser qu'il n'y aura pas de réelles conséquences politiques sur la gouvernance de Droite avec un Sénat à Gauche. Selon Guy Carcassonne, cette alternance aura une incidence sur la durée d'adoption des projets de lois ("Tout au plus, l'adoption des projets de lois prendra-t-elle un peu plus de temps ce qui, d'ailleurs, n'est pas mauvais"). Toutefois, le renouvellement partiel, provoquant un basculement à gauche, peut favoriser des projets de ce parti majoritaire si celui-ci emporte, a posteriori les présidentielles. En effet, en matière de lois organiques relatives au Sénat, le Gouvernement se doit d'émettre un avis et par la suite l'adopter (concernant par exemple le cumul des mandats).

Ainsi, le renouvellement partiel du Sénat a une incidence sur la vie politique française. Celui-ci permet de faire évoluer et de moderniser l'institution. Ce renouvellement permet d'influer sur le cadre et l'organisation interne de la Haute Chambre. Enfin, la réorganisation sénatoriale tous les trois ans permet d'être en concordance avec les sensibilités politiques exprimées lors de précédentes élections au niveau local et avec celle, plus précisément, de la Chambre basse.


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